Carnet de quartiers / 
Citoyen d'Orly, Citoyen du monde



Faire oeuvre collective dans le cadre 
des ateliers de couture mis en place par l'association des femmes 
de la Sablière d' Orly.
La couture comme moyen de se rencontrer.





C'est le lieu de la couture, le lieu de l'écoute, de la sagesse, là ou j'apprends des mots, des noms que je n'ai jamais entendu, quelle chance à 42 ans! Des nomades du désert, la fille de Mimouna me raconte que quand elle était jeune, elle allait tous les étés dans le désert retrouvé une partie de sa famille et elle campait tout l 'été, loin de tout, avec cette famille qu'elle ne voit qu'une fois par an car elle vit en France désormais.
Au début, elle dit," C'est chouette, et puis quand tu es adolescente, c'est loin de tout, trop loin de tout ; le côté exotique t'ennuie et c'est l'ennui mortel qui prime!"
Elle est belle et me raconte son adolescence là-bas dans le désert avec générosité auprès des nomades du désert. Je l'écoute, médusée.
Mimouna, elle, me montre des vidéos de danse de mariage, sa sœur, ses nièces... des danses et des festivités traditionnelles sous des tentes, initialement, des tentes de nomades. Aujourd'hui, je m'interroge sur ce qu'il reste de notre mode de vie ancestral nomade.
Et puis le thé arrive, les gâteaux de Muriel : " Tu ressembles à une arabe, pas à une africaine" lui dit Zara, "Un de tes parents était blanc ?" 
"Oui, ma mère. Mon père était africain, ivorien. En voulant apprendre le français à mes enfants, il a commencé par les gros mots !"



Quand j'arrive, les femmes sont déjà là, Zora, avec cette belle prestance et cette présence ; Zara, sensible et sensée, intuitive et chaleureuse ; Mimouna, active, tendre et rigolote; Muriel, curieuse, investie et engagée ; la fille de Mimouna et celle de Zara, accompagnée du petit garçon qu'elle garde depuis la naissance . Il prend son temps pour se sentir à l'aise, on l'aide, il est entouré, dorloté, enveloppé d'amour. Sa nounou, la fille de Zara est enceinte de 7 mois.
"Tu es le seul garçon, ici, il n'y a que des femmes!" Le petit garçon, bientôt âgé de 3 ans a un petit sourire d'aise et puis il sourit franchement et finit par rigoler... a-t-il compris ?
On déballe le matériel, les machines, le tissus, le thé se prépare derrière, dans la cuisine de ce local, qui, malgré ses beaux volumes est au cœur d'une polémique qui fait se déverser beaucoup de paroles de toutes parts. C'est au cœur d'un nœud que se retrouvent les femmes de cette association, dont l'utilisation du local est soumis à conditions par une autre association : la mutualisation de l'espace n'est pas simple. Les femmes, ne supportent plus qu'on leur manque de respect et que leur association culturelle soit taxée de communautarisme... Le temps et le thé fera son affaire des querelles.

Aujourd'hui, nous attendons Mimouna qui a raté son bus.
«  Je lui ai dit surtout de ne pas courir, c'est la meilleure façon de tomber ! On est là, tranquilles, on t'attend. » me dit Muriel.
Tranquilles, ça on l'est, assises sur les marches du local, inondées de lumière. C'est le printemps, les oiseaux font parler d'eux et les espaces verts sont éblouissant sous ces premiers rayons de soleil.
Zara arrive, grande, droite, naturellement posée et bienveillante. Son sourire réchauffe, même si en ce début d'après midi, les rayons du soleil se sont déjà chargés de nous détendre.
Elle nous rejoint sur les marches lumineuses et on se prend à rêver une installation de l'atelier couture dehors, pour profiter des espaces verts.
« Il y a des gens qui pic-niquent ? » je demande.
« C'est vrai qu'on pourrait sortir les rallonges et s'installer dehors ! »
Mimouna arrive, on rentre, mais on laisse la porte ouverte pour que la lumière nous accompagne à l'intérieur.
Hop, en quelques minutes le matériel et sorti et branché.
On continue nos sets qui doivent garnir un chemin de table : œuvre collective et première réalisation de cet atelier couture fraîchement (re) constitué.
Vers 15h30, notre petit homme arrive avec sa nounou.
Aujourd'hui, tout de suite, il dit bonjour à tout le monde, en faisant le tour, on est pas très nombreuses ; il nous adresse à chacune un petit bisous, on lui répond tendrement.
Kaina arrive, avec du tissu qu'elle a acheté au Sénégal et dont le couturier a oublié de coudre les bords effilochés. « C'est un tissu pour faire un boubou » elle m'explique. Elle nous raconte que quand elle travaillait dans les écoles, avec des petits enfants, un jour, une petite fille lui a demandé si elle était au chocolat noir ; ça l'a fait beaucoup rire et en retour, elle a demandé à la petite si elle était au chocolat blanc ! Depuis toutes ces années, quand elles se croisent, elles s'appellent toujours chocolat blanc et chocolat noir ! « Elle doit avoir environs 22 ans aujourd'hui ! »
Mimouna s'active pour le thé, je lui demande si elle veut coudre aujourd'hui. « Après le thé, quand j'ai fini ! »
Zara lui écrit son prénom en français et en arabe. Mimouna prend des cours pour parfaire son apprentissage du français. Elle entreprend de broder son prénom avec du fil rose, sur un morceau de toile de couleur violet.
Et puis le thé est prêt. Muriel aujourd'hui a confectionné une ravissante petite charlotte : délicieuse !

Je suis arrivée 5 minutes en avance aujourd'hui, j'attends, presque pas fait exprès : il faut que j'attende, au soleil, sur les marches du local, à écouter les oiseaux,... quel supplice !
Tous les arbres n'ont pas encore leurs feuilles.
On est au moment du printemps où tout le monde n'est pas à égal distance : tiges, feuilles, bulbes, veloutées, velues, de toutes sortes de vert, du tendre au moins tendre.
Les avions passent, inlassablement. D'où je suis, je les vois, mais je les entends pas.
Ici, à la Sablière, le printemps est une explosion.
On se croirait en province, tous ces espaces verts, ces petits blocs d'habitation de 4, 5 étages maxi.
Ah, tiens, un train, il ne faut pas exagérer, on est tout de même dans une ville proche de Paris, en banlieue parisienne, mais ici, on a tendance à l'oublier.
Je me demande où sont les enfants, on est mardi, vacances de printemps et le soleil explose, irradie avec bienfaisance une lumière vive de printemps. Le fond de l'air est un peu frais... l'idéal, le bonheur quoi !
Ah! les tondeuses à gazon, tant entendues, et cette odeur d'herbe fraîchement coupée me rappelle mon enfance... je n'ai jamais eu de jardin à moi, mais le potager ouvrier que ma mère exploitait était entouré d'un bel espace vert, dont un énorme stade de sports, verdoyant et entouré d'énormes peupliers qui lançaient vers le ciel leurs branches tendues.
Je me rappelle surtout du bruit du vent dans leurs innombrables feuilles : un bruissement très particulier.
La tondeuse me ramène à mon présent : l'atelier de couture.
Je continue d'écrire puisque personne n'est encore arrivé.
Ce moment d'attente « perdu » me procure un délicieux sentiment de farniente et je me plonge dans la contemplation de toutes ces nuances de vert.
Finalement, Mimouna arrive, essouflée, désolée pour ces quelques minutes de retard.
L'atelier commence : on sort les machines, les tissus et notre création collective, le chemin de table sur lequel chacune des participantes aura appliqué sa signature, sa collaboration.
Zara arrive bientôt, avec son beau sourire et sa bienveillance naturelle.
Et puis les autres.
Minouna sort son ouvrage.
Une jeune femme nous rend visite aujourd'hui, elle travaille pour le bailleur ISF La Sablière et est responsable des actions culturelles. La discussion s'engage sur l'atelier et notre collaboration : les attentes, les résultats ; je parle de notre rencontre et de mon ressenti au contact de ces femmes qui m'ont beaucoup appris par leur humanité, leur culture, leur rire et sourire !
Et bientôt il faut s'activer pour le thé : Mimouna disparaît en cuisine pour n'en ressortir qu'avec cette délicieuse collation qu'est son fameux thé à la menthe, toujours agrémenté de petits gâteaux, galettes et autres friandises, toujours fait maison !
L'atelier se termine autour de cette table conviviale. Je suis toujours surprise de la rapidité avec laquelle le temps passe, ensemble, si occupées à se rencontrer, encore et toujours.

Je reviens un dimanche, car c'est le jour où il y a le plus de monde.
Fatima, la présidente de l'association est là ; en semaine elle travaille donc n'est pas présente les mardis, jour de mes interventions.
Elle me raconte comment elle est a fait bouger les femmes et les choses et continue à oeuvrer dans ce sens auprès de son association grâce à des voyages et autres moments de rencontre et de découverte : elle instille une sacrée dose de dynamisme et de volonté autour d'elle. 
C'est un endroit où l'on passe faire de la couture, discuter, prendre des nouvelles de chacun, chacune, perdre un peu de son temps, quoi. Aujourd'hui, je suis accompagnée de mon fils.
Il est finalement convenu d'une dernière séance, un autre dimanche, pour terminer (peut-être) et se quitter après le thé. 

Myriam Drosne









Photographies Myriam Drosne






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